La restitution de l’ensemble des résultats des études menées par les différentes équipes des chercheurs de ces 6 pays francophones s’est tenue au cours d’un webinaire organisé par PROTEGE QV le 20 juin 2023.
Le Cameroun, le Burundi, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Tchad sont les 6 pays de l’Afrique qui, au cours d’un webinaire ont partagé des résultats d’une étude menée dans l’optique de fournir des outils pour contribuer à améliorer le respect des droits humains en ligne.
Soulignons qu’en 2017, PROTEGE QV a élaboré un Indice des Droits et Libertés d’Internet (IDLI) (https://www.protegeqv.org/regards-croises-sur-lapplication-de-la-declaration-africaine-des-droits-et-des-libertes-de-linternet-au-cameroun-2018/) et son application avait été faite pour le Cameroun uniquement. 5 années après l’élaboration de cet indice, grâce à un appui de l’Association pour le Progrès des Communications (www.apc.org ) PROTEGE QV a entrepris de le mettre à jour en associant cette fois, des organisations de 5 autres pays africains, dans le but d’élargir la base de son applicabilité et en faire un Indice africain. L’actualisation de l’indice a porté essentiellement sur la mise à jour de la liste des indicateurs par domaine (identification et sélection) afin d’une part, d’avoir un outil plus précis, et d’autre part, afin de disposer des données dans tous les pays concernés par l’étude. L’équipe de chaque pays s’est chargée de la collecte nécessaire à la mesure des indicateurs retenus et l’Indice Africain des Droits et Libertés d’Internet (IADLI) a été calculé pour tous les pays concernés. Notons que 67 indicateurs ont finalement été retenus dans 13 domaines ou principes de la DADLI.
En effet, en vue de contribuer à opérationnaliser la résolution du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU du 5 juillet 2012, qui affirme que, « les droits dont jouissent les personnes hors ligne doivent également être protégées en ligne », les organisations et experts indépendants des 6 pays précités se sont engagés à développer un outil permettant d’évaluer si les gouvernements africains prennent des mesures pour respecter, protéger et garantir les droits humains en ligne.
Cet outil, dénommé l’Indice Africain des Droits et Libertés de l’Internet (IADLI), a été construit dans une approche scientifique en s’adossant aux treize principes clés de la Déclaration Africaine des Droits et Libertés de l’Internet(DADLI) adoptée en 2016 par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à Banjul(Gambie). Il s’agit des principes suivants :
Principe 1 – Ouverture ;
Principe 2 – Accès et accessibilité à l’internet ;
Principe 3 – Liberté d’expression ;
Principe 4 – Droit à l’information ;
Principe 5 – Liberté de réunion et d’association et l’internet ;
Principe 6 – Diversité culturelle et linguistique ;
Principe 7 – Droit au développement et accès au savoir ;
Principe 8 – Vie privée et protection données à caractère personnel ;
Principe 9 – Sécurité, stabilité et résilience de l’internet ;
Principe 10 – Groupes marginalisés et groupes à risques ;
Principe 11 – Droit à une procédure régulière ;
Principe 12 – Gouvernance démocratique et multipartite de l’internet ;
Principe 13 – Egalité entre les hommes et les femmes.
Le calcul et l’interprétation de l’IADLI 2022 pour chacun des six pays a permis de relever l’urgence a améliorer l’environnement réglementaire, les pratiques et les capacités des acteurs concernant certains aspects des droits humains en ligne.
Evaluation du respect des droits et de libertés de l’internet : Cas du Cameroun
Au Cameroun, la mesure de l’IADLI 2022 est de 0,556 (valeur comprise entre 0 et 1). Une situation critique et à haut risque car, plusieurs aspects nécessitent encore des améliorations. Il s’agit notamment du domaine de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel qui se chiffre à 0,14. Aussi, une urgence de mesures pour renverser la vapeur s’impose dans les domaines de la liberté d’expression (0,33) ; la liberté de réunion et d’association (0,33) ; idem pour la sécurité, la stabilité et la résilience de l’internet et les groupes marginalisés et à risque ; le dernier point est celui de l’égalité entre les hommes et les femmes qui a une valeur de (0,39).
Recommandations
Lors de sa présentation, la présidente de PROTEGE QV, Sylvie Siyam a tenu à adresser quelques recommandations à l’endroit du gouvernement, du régulateur, des parlementaires et des organisations de la société civile. Morceaux Choisis : – Ratifier la Convention de l’Union Africaine sur la cyber sécurité et élaborer une stratégie nationale de cyber sécurité ;Rendre possible le recours aux plateformes en ligne pour favoriser l’exercice de tous les droits relatifs à la liberté d’association et de réunion proclamée dans le préambule de la constitution ; veiller avec plus de vigilance au respect par les opérateurs de la qualité et des couts des services fournis aux populations ; adopter une loi sur la surveillance en conformité avec les normes internationales régissant le droit à la vie privée ; se structurer en coalition pour répondre efficacement aux menaces numériques appliquées aux espaces civiques ; et mener le plaidoyer en faveur de l’amélioration du cadre juridique et institutionnel de promotion des droits de l’homme en ligne.
Résultats d’analyse de l’application de l’indice Africain des Droits et Libertés sur Internet (IADLI) : cas du Burundi, Congo, Côte d’Ivoire , Sénégal et Tchad
Cas du Burundi
S’agissant du Burundi, de la présentation faite par Jean Paul Nkurunziza, concernant l’ouverture de l’internet, le score est de (0.68) ; accessibilité à l’internet (0.65) ; liberté d’expression, (0.33) ; droit à l’information (0.96) ; liberté de réunions et d’associations à l’internet, le score est de 0 ; diversité culturelle et linguistique (0.75) ; droit au développement et accès au savoir, le score est de 1 ; vie privée et protection des données a caractère personnel (0.43) ; sécurité, stabilité et accessibilité internet (0.17) ; groupes marginalisés et à risque (0.67) ; droit à une procédure régulière sur internet (0.63) ; gouvernance démocratique et multipartite sur internet, le score est de 0.38 ; égalité hommes et femmes sur internet (0.56). En somme, on note que pour les 13 domaines de la DADLI au Burundi, le score est de 0.547. Le faible score de 0 concernant la liberté de réunion et d’association sur internet s’explique par l’absence de textes légaux. Aussi, l’on note l’absence de la prise en compte des lois du numérique et les coupures de l’internet dans le pays. Le gouvernement est interpellé à ratifier la convention de l’Union Africaine sur la cyber sécurité et la protection des données à caractère personnel, surtout que le pays souffre d’une absence de textes spécifiques pour la liberté d’expression en ligne et une législation relative au cryptage.
Cas du Congo
La présentation des résultats d’analyse de l’application de l’indice dans les 13 domaines de la DADLI a été faite par Romeo Mbengou. Selon lui, l’urgence est de mise car seulement 4 principes ont une moyenne supérieure à (0.50). Au niveau de l’ouverture sur internet, le score est de 1 ; accès et accessibilité à internet, 0.67 ; liberté d’expression (0.44) ; droit à l’information (0.80) ; liberté de réunion et d’association sur internet, 0 (à ce niveau, il n’existe pas de cadre légal et juridique qui l’encadre sur internet) ; diversité culturelle et linguistique, 0.25 (cela s’explique par une absence au niveau national de contenu en langue locale) ; droit au développement et accès au savoir, 0 (dû a l’absence d’informations du fait de la non mise à jour des sites internet des quelques ministères) ; vie privée et protection des données à caractère personnel, 0 ( dû a un manque d’autorité indépendante à caractère personnel des données et une absence des programmes de sensibilisation de la population sur la protection des données personnelles) ; sécurité, stabilité et résilience sur internet, 0 (absence de stratégie nationale sur la cyber sécurité et absence de formation de sensibilisation des administrateurs sur les questions de cyber sécurité) ; groupes marginalisés et groupes à risques, 0 (absence d’accompagnement des personnes a mobilité réduite et absence d’applications pour faciliter les personnes aveugles a accéder a internet) ; droit à une procédure régulière, 0.50 ; gouvernance démocratique et multipartite d’internet, 0 (absence de structuration du forum national de la gouvernance d’internet) ; égalité hommes et femmes sur internet, 0 (cela s’explique par une inégalité au niveau des postes de responsabilités dans les différentes administrations)
Cas de la Côte d’Ivoire
De la présentation faite par Salyou Fanny, les résultats sont les suivants : ouverture (0.57) ; accès et accessibilité à internet (0.81); liberté d’expression (0.67) ; droit à l’information (0.78) ; liberté de réunion et d’association (0.83) ; diversité culturelle et linguistique (0.25) ; droit au développement et accès au savoir (1) ; vie privée et protection des données à caractère personnel (0.79) ; sécurité, stabilité et résilience sur internet (1) ; groupes marginalisés et groupes à risque (0.50) ; droit à une procédure régulière (0.50) ; gouvernance démocratique et multipartite sur internet (0.83) ; égalité hommes et femmes sur internet (0.47).
Au vue de cette évaluation, la Cote d’Ivoire est en moyenne proche en conformité avec les 13 principes de la DADLI. L’on constate que, seulement 5 principes ont une note au-dessus de la moyenne qui est de (0.50). Les 8 autres sont en dessous de la moyenne, ce qui constitue les aspects sur lesquels le gouvernement doit fournir des efforts. Au total, la Côte d’Ivoire obtient une IADLI de (0.68) sur une échelle de 0 à 1 en 2022.
Cas du Sénégal
La présentation a été faite Ababacar Diop, il en découle que le pays a plus de problèmes au niveau de la liberté d’expression avec un chiffre de 0,47( ce qui s’explique par les cas de diffamation qui pèsent lourdement sur la liberté d’expression des médias) ; de la diversité culturelle et linguistique 0,25( dû a l’absence de politique et stratégie sur l’existence culturelle et linguistique en ligne de la part du gouvernement) ; sécurité ,stabilité et résilience de l’internet 0,50( dû à l’absence de cercle de lutte contre les cyber attaques) ; groupes marginalisés et groupes à risques 0 ( aucune politique, stratégie ou lois pour soutenir la présence de ces groupes en ligne) ; égalité hommes et femmes 0,35 ( dû à l’absence de politique d’égalité homme et femme dans la société de l’information).
Au total, la valeur IADLI 2022 est de 0,604.
Cas du Tchad
La présentation a été faite par Tidjani Mahamat Adou. Il en ressort que, le pays respecte uniquement 3 principes sur les 13 de la DADLI. Ces derniers sont au-delà de la moyenne qui est de 0,50. Ces principes sont l’ouverture ; la sécurité, la stabilité et la résilience sur l’internet et la gouvernance démocratique et multipartite sur internet.
Certains des indices qui sont à zéro, notamment la liberté de réunion et d’association ; le droit au développement et accès au savoir ; groupes marginalisés et groupes à risques et le droit à une procédure régulière. En somme, 7 principes n’ont pas obtenu la moyenne et oscillent entre 0,1 et 0,49. Le gouvernement, la société civile et les partenaires ont été interpellés par le présentateur pour booster l’évolution de ces principes en posant des actions concrètes dans les années à venir.
Myriane DJAMEGNE
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